Il existe diverses façons de comprendre ce qu’est un mouvement déstabilisant, mais pour l’essentiel, il s’agit de diriger l’attaquant vers un point de déséquilibre. Imaginons à quoi cela peut ressemble lors d’une attaque physique : un attaquant lance un coup de poing ; le pratiquant de l’aïkido martial reste centré et tourne sur lui-même, d’un simple mouvement, qui :
- dévie le coup de poing,
- place son corps dans le même sens que celui de l’attaquant,
- permet à la force de l’attaque de finir sa course jusqu’à ce que l’attaquant perde l’équilibre.
En fait, la technique de déstabilisation de l’Aïkido Verbal est très semblable à celle de l’art martial. Recevoir tout simplement l’attaque et lui permettre de se dérouler, mais sous contrôle, sans contre-attaquer, suffit très souvent à déséquilibrer l’attaquant.
Si quelqu’un fait une attaque verbale particulièrement expressive ou passionnée, il est très probable qu’il est en train d’utiliser la partie émotionnelle de son cerveau[1] plutôt que sa partie analytique ou logique[2]. Si vous arrivez à faire en sorte que votre attaquant bascule d’un courant de pensée « cerveau droite » à un courant de pensée « cerveau gauche », vous remarquerez qu’il est très visiblement déstabilisé[3]. De même, si l’attaquant semble logique ou froid dans son attaque -ce qui peut être déroutant pour vous- essayez de le provoquer pour qu’il accède momentanément à son cerveau droit : en lui demandant comment il se sent par rapport à tout cela, vous arriverez souvent à provoquer en lui ce type de déstabilisation.
En aïkido martial, toutes les techniques sont définies en termes de yin et de yang[4]. C’est l’interaction entre ces deux éléments qui peut créer la déstabilisation. Quand l’adversaire attaque avec le yang, l’Aïkidoïste utilise le yin pour parvenir à le déstabiliser et vice versa. O-Sensei a écrit :
Quand votre adversaire
Montre le yang de sa
Main droite,
Guidez-le avec
Le yin de votre main gauche
En deux mots, si vous arrivez à interrompre et à modifier le mode de jugement de votre attaquant, ne serait-ce que pour un instant, vous aurez au moins ralenti son attaque par cette déstabilisation. Cela ne veut pas dire que l’attaque ne continuera pas, mais vous aurez sûrement gagné les quelques instants précieux qui vous permettront de structurer votre troisième étape : celle qui consiste à lui offrir l’opportunité de sauver la face.
Attaquant : Si vous regardiez un peu ce que vous faites, vous l’auriez sûrement vu, imbécile !
Aïkidoïste : […] Il me semble que vous, vous regardiez, n’est-ce pas ?
Attaquant : Oui !
Aïkidoïste : Tandis que moi, j’étais perdu dans mes sentiments. Que ressentez-vous en ce moment ?
Attaquant : [***] (déstabilisé) Comment ?
Aïkidoïste : Peut-être que l’on se sent tous les deux un peu confus là, maintenant, hein ?
Lors des ateliers d’Aïkido Verbal, un étudiant peut oublier de temps à autre la philosophie non-compétitive de l’art et déclarer : « Si nous avons déstabilisé l’attaquant, nous pourrions le laisser déstabilisé, non ? » ou « Si c’est lui qui a commencé l’attaque, il mérite clairement qu’on lui fasse du mal, après tout ? » Pourtant, l’Aïkidoïste doit s’efforcer de donner à l’attaquant plusieurs opportunités de sauver la face pour les raisons suivantes :
- Si on « laisse tomber » l’attaquant ou si on le quitte après l’avoir déstabilisé, cela génère souvent chez lui un désir de représailles ultérieures.
- Si vous vous trouvez dans une situation similaire (la personne avec qui vous échangez se sent attaquée et elle vous déstabilise), ne voudriez-vous pas qu’elle vous donne la possibilité de sauver la face[5] ?
- Une manœuvre verbale dénuée de l’intention de faire honte, d’humilier ou de rabaisser l’attaquant a des effets secondaires positifs : elle peut « déteindre » sur l’attaquant.
Le moment de la déstabilisation peut être vu comme un point de patinage allant dans le sens opposé à celui d’une escalade de la colère, ce moment lors d’un échange où l’on perd son calme et où l’on se jette dans le conflit. En cherchant à déstabiliser, vous glissez vers un état neutre[6] (au lieu d’augmenter la probabilité d’un résultat émotionnel négatif de l’échange) pour pouvoir enchaîner avec « le coup de maître » de l’Aï-ki. Évidemment, un Irimi basique n’est quelquefois pas suffisant pour causer une déstabilisation et des moyens plus puissants doivent être mis en œuvre.
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[1] Aussi appelé le cerveau droit
[2] Aussi appelé le cerveau gauche
[3] C’est-à-dire l’hésitation verbale, le changement radical dans les expressions faciales ou gestuelles
[4] Cf. “The Art of Aikido: Principles and Essential Techniques” de K. Ueshiba
[5] C’est-à-dire l’éthique de réciprocité
[6] Cf. glossaire et tome 3